Florian Desbaillet

©Ada Wieczorek

Salut ! Peux-tu te présenter ?

Salut ! Je suis Florian Desbaillet, baroudeur de la six cordes. Je me suis entiché de cet instrument il y a plus de trente ans, ai fait partie de très nombreux groupes locaux, en fixe ou en intérimaire, de différents styles avec une prédominance dans le rock au sens large. Aujourd’hui, je me produis en solo, à la guitare acoustique dans un registre qui s’appelle le « Fingerstyle », une manière de jouer qui vise à substituer l’instrument à un orchestre.

Comment es-tu arrivé dans la chanson, la musique ?

J’ai passé la majeure partie de mon enfance et de mon adolescence avec le casque de mon walkman vissé sur les oreilles. J’avais reçu le premier à Noël lorsque j’avais sept ans je crois et beaucoup de cassettes que mon père, mélomane averti, m’enregistrait y passaient en boucle : Deep Purple, Prince, David Bowie, Zappa ou Iron Maiden entre autres ont été mes premiers émois musicaux. Il y avait toujours de la musique à la maison et peu à peu, je piquais de plus en plus souvent la Strat de mon paternel qui lui en jouait de moins en moins. Disons que j’ai immédiatement senti le potentiel de cet instrument comme compagne idéale pour un gamin à moitié autiste. Constatant que ça devenait sérieux entre nous, mon père m’a envoyé prendre des cours chez un de ses amis. J’avais treize ans. À partir de là, j’étais lancé et ne l’ai jamais lâchée. »

De quoi parlent tes chansons ?

Ce sont plutôt des paysages sonores instrumentaux, qui reflètent des émotions ou des ambiances. Mon premier EP « Monomania » entérine une période très intense qui s’est déroulée sur ces dernières années. J’ai perdu beaucoup de personnes proches, remis beaucoup de choses en question et en perspective, bref… j’ai eu quarante ans, quoi. Il y a eu des processus de deuil mais aussi des nouvelles rencontres et l’enthousiasme d’avoir découvert ce style de jeu « Fingerstyle », qui me permet une indépendance quasi totale. Ça a été très libérateur. Je me suis aussi prêté à l’exercice courant dans ce domaine qui consiste à réarranger une cover pour guitare seule. J’ai choisi « Enjoy The Silence » de Depeche Mode.

Quelles sont tes influences et sources d’inspiration ? ou qui sont tes mentors ?

Il y a eu énormément de guitaristes qui m’ont marqués mais s’il fallait n’en citer qu’un, ce serait Jeff Beck. Ce type est une véritable énigme et son jeu incarne la grâce à l’état pur. De manière générale, j’ai toujours écouté pleins de trucs différents, il faut juste que ça me parle, quel que soit le style. Dans mon parcours, j’ai beaucoup joué dans des groupes de hard (c’est comme ça qu’on dit, nous les vieux) tout en poursuivant d’autres projets en parallèle, la diversité m’a toujours stimulé. En ce sens, le « Fingerstyle » est un terrain idéal pour faire coexister les genres, déjà d’un point de vue technique. Tu peux te retrouver à utiliser des éléments empruntés au flamenco, à la guitare classique, au delta blues ou au shred heavy metal dans le même morceau. J’adore ce coté foutraque et artisanal mais je m’efforce de rester attentif au fait que cela serve un propos musical et que cela ne soit pas juste un prétexte. J’ai commencé à m’intéresser à ce style en 2014 en découvrant par hasard le guitariste Jon Gomm sur youtube.

©Michael Johnson

C’est lui qui m’a vraiment chopé et j’ai eu la chance de travailler avec lui à plusieurs reprises par la suite, ainsi que d’autres pointures du genre comme Thomas Leeb, Preston Reed, Don Ross, Antoine Dufour, Mike Dawes, etc, lors de stages annuels en Autriche. Tu te rends très vite compte que c’est une petite famille et que toutes ces pointures sont ultra accessibles. Au final, la rencontre avec les autres participants qui fréquentent ce workshop a probablement
été la plus grosse inspiration pour ce projet et c’est ce qui m’a motivé à me lancer.

Comment composes-tu ?

Lentement. Ça dépend des morceaux, certains peuvent venir assez vite d’autres peuvent prendre plusieurs années. Je passe pas mal de temps à essayer différents accordages et chacun d’eux recèlent des couleurs et des résonnances qui peuvent m’inspirer. Je bricole de manière empirique jusqu’à ce que je mette le doigt sur une séquence qui me plaît. Ensuite je construis autour de ça. Mon Smartphone est blindé de ces petits « moments » et j’y reviens de temps en temps. Je découvre parfois des idées dont je ne soupçonnais même plus l’existence et qui, parfois, peuvent débloquer un titre en cours ou en démarrer un nouveau. Ensuite je laisse décanter et essaie de visualiser quel groove donner, comment sera la mélodie, la ligne de basse, la structure, etc… Et j’essaie d’assembler tout ça pour faire un morceau cohérent que je peux jouer d’une traite sur la guitare. C’est beaucoup de boulot et c’est la nécessité musicale qui va déterminer les techniques à utiliser ou à développer, mais c’est toujours excitant de voir les choses prendre forme dans le processus.

As-tu d’autres passions/talents/passe-temps ?

Tu t’en doutes, cette manière de jouer est très exigeante et je passe la majeure partie de mon temps libre à bûcher sur ma gratte. Mais en dehors de ça, je suis assez facile à contenter : un bon bouquin, une balade en forêt ou en montagne ou tout simplement passer du temps avec les gens que j’aime.

Quelle importance donnes-tu à l’environnement ?

C’est capital. Un capital que l’on est en train de finir de cramer par les deux bouts, malheureusement. Comme la plupart, j’essaie de minimiser mon impact autant que possible mais il faudrait une prise en main collective et intelligente pour sortir du fonctionnement consumériste dans lequel nous sommes pris. Sinon, le fait de passer à la guitare acoustique m’a permis de quitter les sous-sols humides que j’avais fréquentés pendant plus de vingt ans pour remonter à la surface. Du coup, n’importe quel coin devient immédiatement mon local de répète que ce soit le bord du lac, un coin de forêt ou un parc. Un vrai babeloche.

©Olive

Et ton rapport à la politique ?

Je ne suis certainement pas la meilleure personne pour en parler car je m’y intéresse d’assez loin et je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps. Ce que je constate, c’est que la crise du Covid19 met assez clairement en évidence, au cas où on en doutait encore, que la politique est totalement à la merci de l’économie et que, une fois de plus, ce seront les plus vulnérables qui vont dérouiller au profit des plus puissants qui eux, ne produisent rien.

Comment vois-tu ton futur ?

Je vais continuer à faire ce que je fais, composer et jouer de la musique. Je viens de sortir mon premier EP et je me laisse le temps de laisser arriver d’autres envies, d’autres idées pour un prochain album. Comme il n’y a plus d’agenda concerts, j’envisage de publier quelques vidéos. Je vais également continuer à enseigner la guitare et la musique, ce qui est ma principale source de revenus et aussi parce que j’ai toujours énormément de plaisir à le faire.

©Sam Albert

Et notre avenir ?

Incertain. Je suis tout-à-fait en accord avec l’idée que nous sommes à un carrefour crucial de notre histoire et j’ai la faiblesse de penser que nous avons une belle opportunité de la reprendre en main. Bon, lorsque je vois des gens s’écharper pour amasser des quantités massives de PQ et de pâtes ou capables d’attendre des heures dans leur bagnole dans la file du drive-in dès la levée des mesures de confinement, je me dis que c’est pas gagné. Ces derniers jours, j’ai souvent entendu la phrase « nous ne sommes pas tous sur le même bateau mais nous traversons tous la même tempête ». Je pense que ça résume assez bien la situation.

On sait que c’est dur de vivre de son talent. As-tu une astuce ou un conseil ?

Pour moi, le plus important est d’aimer ce que tu fais et de rester à l’écoute de tes envies. Ensuite viennent la discipline de travail et la patience, ce qui n’est pas si astreignant si la première condition est remplie. Accroche-toi à tes rêves mais fixe-toi des objectifs réalistes et surtout aménage-toi l’espace qui te permettra de les atteindre. Reste curieux et ne cesse jamais d’apprendre. Vois tes échecs comme des occasions de rebondir. Les moments de doutes sont inévitables, accueille-les comme des étapes.

C’est un peu une obligation d’être présent sur le net (réseaux sociaux, site, etc.); comment le vis-tu ?

J’étais très réfractaire au départ mais c’est un outil assez puissant qui m’a passablement aidé à développer et promouvoir mon projet. C’est très chronophage par contre et il est indispensable de trouver un équilibre. J’ai beaucoup d’amis à l’étranger et ça me permet de rester en contact avec eux et de suivre ce qu’ils font.

Comment te sens-tu face à la multitude d’artistes plus au moins talentueux, présents sur ces plateformes ?

C’est très stimulant. Je ne ressens pas de phénomène de « concurrence », si c’est vers ça que la question s’oriente. Tu trouveras toujours meilleur ou moins bon que toi, donc à partir du moment où tu es à l’aise avec qui tu es
et ce que tu as à dire, ce genre de considération n’a plus vraiment de prise. Je dirais que ça me permet beaucoup de découvertes.

Un coup de cœur à partager ?

En ce moment, je suis croché sur « Bird in a Cage » le dernier album de Patty Larkin, une songwriter américaine que j’aime beaucoup. Cette fois, elle a mis en chanson de manière magistrale des textes de poètes américains. Le genre d’album qui te rappelle qu’il reste encore de la beauté dans ce monde.

Une question que toi tu as toujours voulu poser*:

Ça sert à quoi les trois coquillages ?

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