Olive
Salut ! Peux-tu te présenter ?
Salut ! Olivier Jaquet, dit Olive : photographe, dessinateur, écrivain, éditeur mais aussi et surtout hyperactif omniprésent des soirées genevoises. Je fais entre autre un fanzine qui s’appelle Debout les Braves et qui sort tout les deux mois, sur papier uniquement.
Quelle formation, quel parcours t’ont mené ici ?
Après trois années de cycle durant lesquelles je suis passé d’élève sage et studieux à branleur indifférent et un peu geek sur les bords, j’ai fait plusieurs petits boulots merdiques, dont j’ai raconté quelques anecdotes dans mon livre Souvenirs de l’usine de Chtious. En parallèle, j’ai suivi des cours de graphisme et de photo à l’IFAGE. J’en suis sorti avec deux diplômes qui n’ont aucune valeur sur le marché du travail, mais avec de nouvelles cordes à mon arc et une motivation reboostée. Sinon, je suis surtout autodidacte, j’aime mieux apprendre en expérimentant dans mon coin plutôt que sur un banc d’école.
Comment trouves-tu l’inspiration ?
En général les idées me tombent dessus à l’improviste, dans la rue ou au détour d’une discussion au bistrot. Je note alors quelques mots clés et je développe ensuite quand j’ai le temps de me poser pour le faire correctement. J’ai aussi fait plusieurs livres en collaboration avec d’autres personnes, ce qui permet une émulsion plus rapide. À plusieurs, il n’y a pas d’angoisse de la page blanche. Pour la photo c’est différent, c’est l’occasion qui fait le larron et pas l’inverse. Mais une chose est sûre, il faut avoir son appareil avec soi en toute occasion.
Quelles sont tes influences et sources d’inspiration ? ou qui sont tes mentors ?
J’ai commencé à l’adolescence, dans le milieu punk, où il y avait beaucoup d’occasions de créer des flyers, des affiches et des fanzines hors des circuits officiels. La petite équipe de La Puce m’a beaucoup apporté, ainsi que celle du Zombie Libéré. Je traînais beaucoup avec des personnes plus âgées, surtout au Moloko, qui avaient la gentillesse de ne pas me prendre de haut comme un jeune con que j’étais et qui ont au contraire toujours accueilli mes premiers pas avec enthousiasme.
As-tu un processus de travail ?
Je ne bosse que pour des projets qui m’intéressent et pour des potes. En général je le fais bénévolement ou à prix libre.
As-tu d’autres hobbys, passions ?
En plus de la musique, je suis grand consommateur de bouquins et de films. Je ne regarde jamais de séries, par contre : c’est bien trop chronophage.
Comment appréhendes-tu le monde qui nous entoure ? Comment vois-tu ton futur ? Quel avenir imagines-tu pour notre monde ?
Je vais répondre aux trois questions d’un coup : quand j’étais gamin, dans les années nonante, la guerre froide venait de se terminer, mais c’était encore très présent dans la tête des adultes. À l’école les profs nous parlaient de guerres, de bombes atomiques, des abris dans lesquels il faudrait un jour descendre et aussi du SIDA, de l’héroïne... C’était glauque, ça me terrorisait à l’époque, j’en faisais des cauchemars. En grandissant, j’ai transformé ces peurs en quelque chose de plus créatif et humoristique. J’imagine que ça se ressent dans mes BD, ce côté dictature et fin de race. Je pense que la situation n’est pas toute rose mais elle n’est souvent pas aussi dramatique que ce que les médias nous servent à toutes les sauces ; et ce sentiment d’impuissance face à de grands bouleversements planétaires est très mauvais pour le moral. Ça fait des années que je ne lis plus la presse (à part des fanzines héhé), ne regarde plus la télé et n’écoute plus la radio ; je me concentre sur des initiatives présentes et palpables et c’est franchement revigorant de voir qu’il y a toujours et partout des personnes pleines de bonne volonté qui, malgré les bâtons dans les roues, continuent à créer de nouveaux lieux, à sortir des fanzines, à monter des groupes de musique, etc.
As-tu des conseils et astuces pour vivre de son talent malgré les difficultés ?
Avec Ivan de La Puce, quand on bossait sur notre première B.D, on a posé cette question à pas mal de dessinateurs professionnels. Ils nous ont tous dit : ne signez jamais ! Certains avaient les larmes aux yeux en en parlant : ils avaient sacrifié leur passion pour finalement se retrouver enchaînés à un contrat d’édition qui les forçaient à dessiner des blagues sur les blondes, et n’y trouvaient plus aucun plaisir. Le secret, c’est d’avoir un « vrai » travail qui permet de manger et payer le loyer mais laisse assez de temps pour se consacrer à sa passion, sans que l’argent ne vienne tout gâcher. Personnellement, je travaille depuis bientôt 20 ans à mi-temps dans les maisons de quartier et au parascolaire et j’y croise d’ailleurs beaucoup d’autres personnes du milieu alternatif. C’est un bon compromis.
Comment gères-tu une présence quasi-obligatoire sur le net ?
Depuis 2003 j’ai un site chez Darksite, www.darksite.ch/olive, où se côtoyaient environ une centaine d’artistes, de groupes et d’assoc. Ça m’a réellement aidé à me faire connaître dans le coin. Pareil pour les différents forums qui étaient très fréquentés jusqu’à l’arrivée des réseaux sociaux qui ont quasiment mis fin au web tel qu’on le connaissait alors. J’avoue que je suis très présent sur Facebook, qui est un très bon outil pour les événements, mais je continue néanmoins à poster des photos sur mon vieux blog, où l’on peut découvrir des milliers de photos. J’ai aussi une chaîne YouTube avec plus de 500 vidéos, surtout des concerts lives et quelques délires.
Comment te sens-tu face à la multitude d’artistes plus ou moins talentueux, présents sur ces plateformes ?
On a du mal aujourd’hui à se souvenir des heures passées à essayer de découvrir des nouveaux artistes en lisant des magazines ou en écoutant des disques dans les magasins. Ça prenait un temps fou, ça coûtait une blinde et au final on passait à côté de millions de bonnes choses qui étaient juste mal distribuées. Internet a rendu possible cette distribution, gratuite et efficace.
Un coup de cœur à partager ?
Cédric Villain, alias Horror Humanum Est, un type qui faisait des petits dessins animés sur des anecdotes gores de l’Histoire. Il vient de lancer un projet de B.D en financement participatif qui a atteint 1910% de l’objectif en un mois ! Je me réjouis de le lire, ça va être de la tuerie dans tous les sens du terme.
Où est-ce qu’on peut te trouver ?
La plupart des bouquins et fanzines que j’ai publiés chez La Puce ou le Gore des Alpes sont disponibles directement auprès de moi. Ce système de distribution en canal court permet d’une
part de maintenir des prix très bas mais aussi de rencontrer directement les gens, ce qui est bien plus sympa. Les principaux lieux que je fréquente sont : L’Usine en général et Urgence Disk en particulier, La Bretelle, La Citadelle, L’Écurie, Chez Jean-Luc, L’Undertown...